Qu’il est de survivre dans le néant. Le temps n’existe même pas, il n’y a aucun indice de vie, seule la raison et la force d’esprit peuvent permettre à mon âme de s’en sortir. J’ai peur du jour ou je perdrais mon chemin, ou je m’égarerais dans les nébuleuses vagues du vide. Cela semble pourtant si simple, d’abandonner, de se laisser envahir par ce mystérieux vent de solitude. Combien de fois me suis-je demandé ce que cela faisait de cesser d’avancer, de laisser ces chaînes invisibles m’attirer à elles, toujours plus loin, toujours plus profondément.

Mais je suis jeune ! J’ouvre les yeux quand je sens que mon cœur est assez fort, et enfin je vois. Je vois cette réalité que je rêvais. Enfin je peux sentir les parfums de la vie. Ce n’est pas dur de vivre en tant qu’ectoplasme, c’est dur de se réveiller. Je suis tout le temps épuisée, somnolente. Un jour je ne me réveillerais pas, mais tant que mon esprit est assez vif pour le faire, je survis.

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Je danse de mieux en mieux parait-il. Mes admirateurs secrets dévorent mes formes du regard alors que je m’amuse de cette situation. Etre regardée ? C’est tellement réconfortant quand on sait que personne ne peut nous voir. J’ai décidé de savourer ma vie à ma manière, je saisirais les occasions qui se dresseront à moi. Je m’amuse, je m’amuse tellement, même si tout n’est qu’illusion, je prendrais ce que je pourrais de ce temps qui m’est offert. Il fallait que l’attention soit rivée sur moi, que l’on m’aime, pour ce que j’étais. Ainsi je pourrais grimper sur les épaules qui m’encerclent pour atteindre cette vérité qui me hante.

Comme à mon habitude, j’accorde un dernier mouvement à cette chorégraphie avant de retourner derrière le comptoir, rapidement assaillis d’amis et de compliments. J’en profitais pour vendre le double de boissons que je pouvais vendre en une journée entière. Opportuniste ? Calculatrice ? Qui sait, tant que je ne m’en morfonds pas, je me satisfais de tout.

Le plus éreintant dans cette situation, c’est de sortir du fantasme des hommes. Ce qui est fou, c’est que j’adore le fait qu’ils me regardent au début, mais quand cela devient trop persistant, c’en devient étouffant. Les caresses et les mots doux sont insupportables quand ils ne visent qu’une chose, le lit. Mon aspect dévergondé peut peut-être porter à confusion, mais je préfère me vanter d’être une puriste sur ce côté-là que d’être la fille du quartier. C’est pourquoi je suis toujours plus désirable, car aucun de ces gars là ne m’aura. Je vise beaucoup plus haut.

L’amour ? On verra bien, moi-même je suis indécise là-dessus.

Les yeux rivés vers la salle, mon attention fut arrêtée sur une femme assise au loin. Ignorant les gueulards qui se lançaient des jurons devant mes yeux pour m’impressionner, je me décalais le long du comptoir. Seule, comme plongée dans sa boisson, la blonde semblait ne pas se préoccuper du grabuge émit par les hommes. Je ne l’avais jamais aperçue ici. En fait, il était assez rare qu’une femme se pointe seule dans le bar à cette heure avancée de la soirée. Quelques habituées, les danseuses, les autres. Elle ne semblait pas faire parti de cette catégorie.

D’un pas zélé, je m’éclipsai, laissant les baroudeurs à leurs chamailleries. Arrivée à proximité de la jeune femme, je me penchai assez pour que ma voix puisse recouvrir la musique et les cris.

« La boisson ne vous plait pas mademoiselle ? Vous ne l’avez toujours pas commencée ! »