A Antalis depuis trois ans.

Le bruit du papier poussiéreux et l'odeur de renfermé, associés à la lueur jaunâtre de la bougie à demi consumée rendait l'atmosphère presque moyenâgeuse. La pièce était plongée dans l'obscurité et à la lumière de la fine flamme se dessinait vaguement le profil d'un visage féminin, absorbé dans la lecture d'une feuille jaunie. Quelques mèches blondes effleuraient de temps en temps les lettres noires imprimées et les lèvres délicates du visage bougeaient par moment, comme si on avait voulu lire à voix haute, mais que les sons s'agglutinaient dans la gorge sans jamais en sortir.

Un soupire se faisait entendre par-ci, par-là, et soudain la jeune femme abaissa la feuille, et remua. Elle plongea son regard dans le noir qui l'environnait et répéta machinalement :

« Anne-Lise de Montrevelle, née le dix-huit mai deux mille cent soixante-dix-huit à Lyon a été baptisée le dix novembre deux mille cent soixante-dix-huit en l'église de Lyon diocèse de Lyon... »

Un nouveau soupire s'échappa de ses lèvres et elle passa à une nouvelle feuille qu'elle se mit à décortiquer avec attention.

Anne-Lise se remémorait avec une certaine nostalgie les prémices de sa vie, en France, sur la planète Terre. Il lui arrivait régulièrement de regretter ce qu'elle y avait laissé. Son principal souvenir était dans l'éducation religieuse qu'elle avait reçu. Elle avait l'impression de n'avoir vécu que pour cela, même si son attitude ne suivait pas les préceptes de l’Église, elle avait toujours eu la foi telle qu'on la lui avait transmise. Pourtant, à son arrivée ici, comment aurait-elle pu encore entretenir cette relation au divin ? Tout ici permettait d'infirmer l'existence d'un quelconque Dieu.
C'est pour cela qu'elle regrettait. On lui avait toujours dit que pour que l’Église survive à plusieurs millénaires, il avait au moins fallu une vraie participation de Dieu. Alors où était-il dans ce monde étrange ? Aucune église sur la place. Aucune espérance dans le cœur des gens. Il avait disparu. Il n'existait donc tout bonnement pas.

La jeune femme, en partant, avait pris grand soin d'emporter la copie de son acte de baptême, acte de naissance et tous les papiers qui témoignaient de son existence. Tout ça parce qu'elle avait eu peur de ne plus trop savoir où elle en serait à l'arrivée, qu'on lui lave le cerveau ou encore qu'elle monte directement au paradis et qu'une fois là-bas, n'ait plus de repère par rapport au monde.
Rien de tout cela. Elle avait débarqué sur Antalis comme sur son lieu de vacances habituel, s'était installé et n'avait pas eu besoin de sortir ses documents pour se souvenir de sa date de naissance. Miracle. Après cela, elle sembla oublier Dieu instantanément. Trop occupée à s'indigner de son niveau social, de son travail, de ses voisins, de son quotidien, à tout remettre en question, à jouer la petite riche, quoi.

Finalement ce ne fut qu'en retrouvant ses vieux papiers qu'elle se souvint enfin de sa vie d'avant. Ce n'était pas une jeune fille qui avait vécu une vie dramatique. Il n'y avait aucune ombre au tableau, rien qui ne puisse faire figure de passé douloureux, si ce n'est cet abandon de sa vie terrestre. Elle n'avais jamais su accepter que les choses puissent se finir. Qu'on puisse véritablement tirer un trait sur ce qui avait pu tenir une place importante dans sa vie. Habituée à posséder tout, elle ne pouvait concevoir d'en perdre une miette. Pourtant c'était une tranche entière qu'elle avait laissée.

Au fil des mois, dans ce nouveau monde, elle était passé de la phase de l'émerveillement à celle du mécontentement, puis de la résignation, et enfin, du scepticisme. On lui avait proposé un moyen de retrouver sa haute société, elle avait sauté sur l'occasion, mais peu à peu le doute la submergeait. Pour l'instant, son esprit se berçait encore de l'illusion du paradis, mais cette puce commençait à susciter des questions.
Elle avait remarqué que depuis qu'elle l'avait adoptée, elle ressentait d'une façon inédite la plus petite émotion de ceux qu'elle côtoyait. Ce sentiment s'était amplifié au point de devenir insupportable, semaine après semaine, et elle commençait à éviter de sortir quand ce n'était pas nécessaire, de peur d'être prise d'une "crise", qui la mettrait dans un état incontrôlable.
N'aurait-elle pas du laisser sa vie suivre son cours, finalement ? N'était-elle pas assez bien dans sa petite maison tranquille, son quartier tranquille ?

Anne-Lise souffla sur la bougie et laissa les documents sur le sol. Elle avait un petit creux.

C'est moi ou tu es officiellement validé ?! Bienvenu parmi nous jeune pandawa -ohzutunattardédeplus-, sache qu'ici on rigole pas sans risquer de s'attirer les foudres divines, alors gare à ton popotin si tu ne veux pas qu'on finisse par le manger bien rôti à force de tes bêtises. Tu veux sauver ta peau ? Et bien commence par jeter un coup d’œil sur les demandes de rp -mieux vaut être mal accompagné que seul par ici-, et tu peux aussi faire un répertoire de tes soi-disant amis -pour ne pas dire que ce sont des chieurs qui pourrissent en vérité ta vie juste pour se marrer-. Et si tu as une question -une vraie de vraie quoi-, bah pose-la par ici avec un peu d'argent si tu veux que la réponse soit rapide et efficace -histoire de ne pas devoir repayer-. Bon. Je pense que tu es prêt à y aller mon petit vieux!

Que la force des nains soit avec toi !