Il a toujours été là, à rôder. Un monstre que quelques-uns ont aperçu, au détour d’un chemin. Son nom s’est rapidement fait, les légendes terriennes ont accompagné la peur des habitants. C’est le Croquemitaine, l’abomination tapie dans la Montagne des hasards, qui tue les malheureux qui s’aventurent sur ses territoires. On dit qu’il les emporte dans son monde, qu’il en fait de morbides marionnettes qu’il fait jouer dans son cruel théâtre de cadavres. Il n’a rien d’humain. Et pourtant, il l’était, avant.

C’était un homme comme un autre, sur terre. Mais il a eu la malchance d’être défiguré, de perdre son beau visage. Antalis fut son espoir. Il aurait voulu y retrouver son humanité, sa belle apparence perdue. On dit qu’il était admiré, ici, que son charme agissait sur tous, malgré ses brûlures, malgré son fasciés qui gardait les ravages des flammes. Il aurait pu se créer une nouvelle vie mais son obsession de la beauté, d’une perfection qui n’aurait pas été abîmée, le précipitèrent dans les abysses de la folie. On le ne voyait plus, il disparaissait, la nuit tombée et ne revenait qu’au petit matin. Et ses expéditions étaient à chaque fois suivies de morts.

Les cadavres étaient retrouvés ravagés, privés de leurs visages. Et le sien enlaidissait chaque jour. On murmurait qu’il volait la beauté des autres, qu’il voulait se l’approprier, qu’il leur arrachait même la peau pour s’en faire des masques grimaçants. Et avant qu’on ne parte à la chasse au monstre avant qu’on ne le poursuive pour lui faire payer ses crimes, il disparaissait.

Depuis, les rumeurs circulent toujours. Il est né avec la cité même, il est là depuis le tout début. Mais maintenant, il est plus qu’un fantôme. Les plus courageux ont trouvé la porte fermée, l’entrée de son royaume de terreurs et de poupées sans vie. Personne n’y a jamais mis les pieds mais quand les corps disparaissent, on sait où ils vont. Quand on retrouve des cadavres, on les brûle, tout de suite, pour éviter la malédiction qui pèse. Les enfants sont avertis, les nouveaux arrivants sont mis en garde. La Montagne des hasards n’est pas un endroit sur, on peut y croiser celui qui avait été humain, jadis mais qui ne pense maintenant qu’à retrouver ce qu’il a perdu. Fut-ce au prix de la vie d’autres, d’innocents qui se seraient égarés sur ses chemins.

Alors prenez garde, prenez garde. Surveillez vos pas, ne frôlez pas l’obscurité. Et restez éloigné de son antre des malheurs et des horreurs.