Ou chère Artémis. Je me répugne à écrire ton nom et même ton prénom. Et tout ce que tu représentes me donne le vertige, la nausée. Tout ce que je vois me rappelle l’éclat, les ternes lumières de ce jour. Tu as tout emporté. Vous avez tout emporté. Et pas un jour ne passe sans que les échos de vox voix, les ombres de vos actes, ne s’inscrivent dans le mur de mensonges qui entourent tous ceux qui croient encore.

Et toi, tu es tout cela. Tu les suis. Tu deviens eux. Ce que tu aurais pu être, ce que tu aurais pu faire, ça c’est envolé. Il ne reste plus que ce rôle que tous te voient arborer. Je t’exècre, pour ça et pour bien d’autres choses. Mais je n’ai pas la voix à le hurler alors, je couche sur le papier toute ma haine et mon ressentiment. Ils me rendent un peu de vie. Ils me rendent un peu de ce que je n’ai jamais eu mais que tu aurais assassiné, sans le savoir, si tu tout avait continué ainsi.

Les vies que tu as saccagées, les cris d’agonie que tu as fait rouler dans les airs, ce n’est plus qu’une image floue, un son lointain qui s’éloigne à tes oreilles. Quand je t’observe, je me demande si tu ressens la culpabilité. Quand je t’entends parler, je me demande si tu peux, ne serait-ce qu’un instant, penser à ce que tu leur enlève.

Je crois que c’est plus facile pour moi de me dire que non. Je ne suis qu’une ombre sur tes pas, quoi qu’il arrive, même si je te regarde de loin, même si je ne prends pas plus garde à ton existence que tous ceux qui savent qui tu es, qui ont connaissance de ce que vous tous, vous êtes.

J’ai juste un peu plus de haine dans l’esprit, des regrets dans le cœur et des chaînes liées au corps. Toi, tu as ravi ta liberté. Tu as pris ton envol. Je serai là au moment où tu seras fauchée en plein vol.

Libère-toi de ces chaînes qui t’enclavent si injustement alors qu’elles auraient dû être les miennes. Je suis coupable et je confesse mon péché d’avoir pas su où était ma place. Je confesse mon péché d’avoir levé les yeux et rêvé d’atteindre les sommets. Je confesse mon péché d’avoir saisi les opportunités qui s’offraient à moi pour m’élever. Je confesse mon péché d’avoir voulu posséder une meilleure vie. Parce que chaque acte a ses conséquences, j’aurai du rester immobile, statique et attendre patiemment que le destin joue en ma faveur car contrairement à toi, je ne possède pas ce pouvoir, celui de pouvoir se mouvoir sans que des répercussions s’en suivent lentement. En respirant, j’ai volé de l’oxygène d'un homme qui en manquait. En vendant un bien, j’ai volé l’argent d’un homme dans le besoin. En existant, j’ai provoqué des ondes dans l’étendu plane de l’existence de chaque personne que j’ai rencontré. J’ai commis des crimes, tout comme le nouveau-né qui pousse son premier cri en a causé plus d’une dizaine. Depuis le ventre même de notre mère, nous avons commis des actes répréhensibles.

Alors punis-moi et punis ces hommes, toi, l’unique création céleste dénuée d’une ombre de poussière. J’ai mérité ta haine, alors élèves toi et lorsque je serai à ta portée, tues-moi, achèves-moi, regardes-moi ramper misérablement dans la boue. Moi qui t’ai volé vicieusement ton bonheur, ton opportunité, chasses moi, traques moi, fais-moi ressentir toutes la misère que tu as dus endurer par ma faute. Je suis coupable, alors peu importe ce que tu feras, tu auras toujours raison. Prends-moi ce bien que je t’ai dérobé, et si tes mains sont liés, arraches-le avec tes dents. Je ne serais pas regretté, et personne ne verras de malveillance car c’est moi qui ait commencé, tu n’as fait que reprendre ce qui t’appartenait après tout. Fais-le comme si tu respirais, personne ne t’en voudra. Je suis une voleuse. Je suis une criminelle. Je suis une pécheresse. Je suis une imbécile. En m’approchant du soleil, j’ai projeté une ombre trop grande, si grande que tu n’as pas pu t’en dégagé. Tu es une plante verte qui a besoin de soleil pour s’épanouir, que font les jardiniers lorsqu’une de leur fleur n’arrive pas bien à profiter du soleil ? Ils coupent ce qui gêne la fleur. Tu verras, le soleil est comme une vérité, elle ne se regarde pas. J’imagine que toi, tu pourras la regarder droit dans les yeux et l’accepter corps et âme. Toi qui as été baigné dans l’obscurité, tu pourras enfin la voir sans pouvoir dire que c’était à cause de moi une fois que je serai partie.

Alors dis-moi, seras-tu enfin heureuse ? Pourras-tu dire aux autres, ou même à toi-même que tu es une personne droite et fière, qui n’a jamais compromis le bonheur des autres ? Que cette phrase « le bonheur des uns fais le malheur des autres », n’est que mensonges ? Lorsque tu t’élèveras sur ce qui reste de moi, ce que verrons les gens, c’est un toi irréprochable. Parfaite, et lisse, tu pourras devenir un héros, et ensuite un saint en débarrassant le monde des gens de mon espèce. Je n’ai jamais nié que depuis mon existence, le sceau divin du pécheur a été apposé sur mon corps, mais toi, tu as eu la chance d’y échapper. Alors j’accepte le châtiment, viens pourfendre mon âme pour qu’elle puisse être purifié. Petit ange, tu m’as ouvert les yeux.